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Stefan Zweig

Mots & notes

Amour noir

"Si on devait tout simplifier, on irait mourir dans les cimetières" dit Noiret à Lhermitte dans les Ripoux. Nul besoin d'aller jusque là et c'est du dernier cadeau de Grand-grand (alias la grand mère des minis moi 1 & 2) qu'il s'agit ici. Que se passe t il quand une jeune veuve intello un peu coincée (si, si) croise le regard d'un fermier à la croisée des pierres tombales de leurs époux et parents respectifs ? On pourrait penser à un remake suédois genre Le bonheur est dans le cimetière mais pas du tout. C'est plutôt la Souris des villes et le rat des champs, le choc culturel version nordique. Car évidemment, passés les premiers échanges tendus, les sentiments s'en mêlent et s'emmêlent.

Au delà de l'histoire d'amour bibliothéco-rurale, c'est bien du couple en général qu'il est question. Entre les espoirs de chacun, les incompréhensions, les maladresses, les effets secondaires de la force de l'habitude, il y a ce quelque chose qui nous dit "soit il n'est pas pour toi, soit il est le seul envisageable". Oui mais…  Ce n'est pas simple pour autant. Encore faut il s'autoriser à y croire et à se risquer.

De la naissance des sentiments à leur confusion (chère à Stefan Zweig), ces deux là se découvrent, s'aiment, essaient de se comprendre. "Quand je n'arrive pas à dormir, je pense que c'est parce qu'en fait je ne lui ai jamais donné sa chance, à l'amour. Je ne suis pas allé jusqu'à penser que je pourrais le placer avant tout le reste". 

Loin d'être triste ou gnangnan, si le texte est grinçant il reste toujours drôle. Ls premières pages s'ouvrent sur Désirée qui invoque Stephen King pour se fâcher contre son crétin de défunt mari qui a eu la mauvaise idée de mourir comme ça, sans prévenir.  Benny collectionne (entre autres) les napperons au point de croix de sa maman. Autant dire que l'association sera détonante. Les seconds rôles sont savoureux comme le voisin de la ferme, un certain Bengt-Göran et sa compagne Violette, pour le coup haute en couleurs ou encore Inez Lundmark la bibliothécaire en chef et néanmoins vieille fille qui collectionne les boites à archives (on est au pays d'IKEA oui ou non ?) ou encore les réparties au millimètre, on ne s'ennuie jamais. 

Un peu d'humour ou d'amour noir qui font sourire et grincer des dents à la fois. A lire et relire.
Le mec de la tombe d'à côté. Katarina Mazetti. Actes Sud. 2009

La vie...

En mai, Lady Pénélope fait ce qui lui plait

Il est arrivé. Le fameux mois de mai à partir duquel il est permis de faire tout ce qui nous plaît.
Allons-y, commençons la liste de ce qui est autorisé par les dictons et autres références sérieuses : cueillir du muguet, sortir les barbecues, recevoir des amis, relire l’intégrale de Stefan Zweig, prendre l’apéritif dans le jardin, somnoler au soleil, sortir le dressing printemps-été et remiser (enfin) pour la saison les bottes et autres manteaux de tous poils. A nous robes légères et sandales, sus aux imperméables…
En quelque sorte, voici venu le temps des rires et des chants comme dirait Casimir et son immuable teint de pêche (ou de melon). Sauf qu’il faut bien avouer que les dieux de la météo ne doivent pas avoir intégré que le mode «pluie et froidure» devrait avoir été désactivé il y a quelques temps déjà. Et ce ne sont pas les trois pseudo journées de micro canicule de la semaine dernière qui vont nous faire croire le contraire. Pour preuve, le dimanche diluvien que nous venons d’essuyer, si j’ose dire…
Bref, après cet hiver qui n’en finit plus de finir, il serait temps que le calendrier reprenne ses droits.
Histoire de savoir si la pensée positive peut jouer sur le climat, je vous propose une expérience inédite. Faisons fi des températures polaires et d’une humidité record, commutons désormais les cervelets sur la position «mois de mai, on y est». En route pour glaces et salades estivales, tenues légères et ballades à vélo. Tant pis si les éléments s’acharnent (et me punissent d’un rhume spectaculaire) au moins, nous aurons essayé de troquer parapluie contre ombrelle…
Mots & notes

La passion selon Stefan Zweig

Les vacances qui commencent dans quelques jours vont être l’occasion de rattraper mon retard en catégorie lecture. Quelques ouvrages repérés ces derniers temps sont au programme. Mais alors que je circule dans les rayons de la FNAC, je me trouve face à un mur de volumes à la couverture rose bonbon. Un nouveau roman à l’eau de rose (pour la plage, il en faut au moins un) ? Un jeune auteur plein d’avenir ? Non, simplement la réédition de La lettre d’une inconnue, la nouvelle de Stefan Zweig, parue en 1922.

« Simplement » que dis-je ?
Il s’agit ni plus ni moins d’une pure merveille, tant pour le choix du sujet que pour la manière dont il est abordé. Une nouvelle, déjà lue et relue, qui fait partie de ces mots qu’on n’oublie pas.

L’histoire : une jeune adolescente croise un jour le nouveau voisin de sa mère. Une rencontre ordinaire qui conditionne une vie entière. « Je connais aujourd’hui encore exactement, mon bien-aimé, le jour et l’heure où je m’attachai à toi entièrement et pour toujours. ». Les années passent, elle devient une jeune femme, déménage, revient dans sa ville natale, le rencontre enfin. Quelques jours de passion et chacun reprend sa route. Lui, artiste de renom, oublie aussi vite la petite voisine devenue femme. De son côté, elle élève un enfant né de cette liaison furtive. L’homme ne sait rien jusqu’à recevoir une lettre le jour de son anniversaire.
Dans celle-ci, il apprendra la passion qui a animé celle qui pour lui était redevenue une inconnue.

Une vie entière de dévouement à celui qui ne sait pas qu’elle existe. « Rien sur la terre ne ressemble à l’amour inaperçu d’une enfant retirée dans l’ombre ; cet amour est si désintéressé, si humble, si soumis, si attentif et si passionné que jamais il ne pourra être égalé par l’amour, fait de désir, et, malgré tout, exigeant, d’une femme épanouie. ». Elle écrit cette lettre après la perte de leur enfant, emporté par la maladie à l’âge de 13 ans. A mesure que l’homme prend la mesure de l’amour dont il a été l’objet, il comprend que cette lettre est un dernier message. « Si je dois survivre, je déchirerai cette lettre et je continuerai à me taire, comme je me suis toujours tue. Mais si elle arrive entre tes mains, tu sauras que c’est une morte qui te raconte sa vie, sa vie qui a été à toi de sa première à sa dernière heure. ».

Certes, le sujet est grave et le sable d’une plage paradisiaque serait propice à une amourette romantico-gnangnan (j’en lirai aussi, fleur bleue que je suis…). Mais les histoires d’amour finissent mal en général, et Catherine Ringer le répète avec justesse depuis bien longtemps. Ce livre, ainsi que d’autres nouvelles de Zweig fait partie de mes it books depuis des années. Je le lis, l’offre, le pose et le reprend régulièrement : LA passion amoureuse, absolue.

Un texte bouleversant, magnifiquement écrit, soigneusement traduit, à découvrir et redécouvrir absolument…