Mots & notes

La passion selon Stefan Zweig

Les vacances qui commencent dans quelques jours vont être l’occasion de rattraper mon retard en catégorie lecture. Quelques ouvrages repérés ces derniers temps sont au programme. Mais alors que je circule dans les rayons de la FNAC, je me trouve face à un mur de volumes à la couverture rose bonbon. Un nouveau roman à l’eau de rose (pour la plage, il en faut au moins un) ? Un jeune auteur plein d’avenir ? Non, simplement la réédition de La lettre d’une inconnue, la nouvelle de Stefan Zweig, parue en 1922.

« Simplement » que dis-je ?
Il s’agit ni plus ni moins d’une pure merveille, tant pour le choix du sujet que pour la manière dont il est abordé. Une nouvelle, déjà lue et relue, qui fait partie de ces mots qu’on n’oublie pas.

L’histoire : une jeune adolescente croise un jour le nouveau voisin de sa mère. Une rencontre ordinaire qui conditionne une vie entière. « Je connais aujourd’hui encore exactement, mon bien-aimé, le jour et l’heure où je m’attachai à toi entièrement et pour toujours. ». Les années passent, elle devient une jeune femme, déménage, revient dans sa ville natale, le rencontre enfin. Quelques jours de passion et chacun reprend sa route. Lui, artiste de renom, oublie aussi vite la petite voisine devenue femme. De son côté, elle élève un enfant né de cette liaison furtive. L’homme ne sait rien jusqu’à recevoir une lettre le jour de son anniversaire.
Dans celle-ci, il apprendra la passion qui a animé celle qui pour lui était redevenue une inconnue.

Une vie entière de dévouement à celui qui ne sait pas qu’elle existe. « Rien sur la terre ne ressemble à l’amour inaperçu d’une enfant retirée dans l’ombre ; cet amour est si désintéressé, si humble, si soumis, si attentif et si passionné que jamais il ne pourra être égalé par l’amour, fait de désir, et, malgré tout, exigeant, d’une femme épanouie. ». Elle écrit cette lettre après la perte de leur enfant, emporté par la maladie à l’âge de 13 ans. A mesure que l’homme prend la mesure de l’amour dont il a été l’objet, il comprend que cette lettre est un dernier message. « Si je dois survivre, je déchirerai cette lettre et je continuerai à me taire, comme je me suis toujours tue. Mais si elle arrive entre tes mains, tu sauras que c’est une morte qui te raconte sa vie, sa vie qui a été à toi de sa première à sa dernière heure. ».

Certes, le sujet est grave et le sable d’une plage paradisiaque serait propice à une amourette romantico-gnangnan (j’en lirai aussi, fleur bleue que je suis…). Mais les histoires d’amour finissent mal en général, et Catherine Ringer le répète avec justesse depuis bien longtemps. Ce livre, ainsi que d’autres nouvelles de Zweig fait partie de mes it books depuis des années. Je le lis, l’offre, le pose et le reprend régulièrement : LA passion amoureuse, absolue.

Un texte bouleversant, magnifiquement écrit, soigneusement traduit, à découvrir et redécouvrir absolument…
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