Ecrans & toiles

Un western français

Mercredi 25 novembre, sortie d’Une affaire d’Etat, le dernier film d’Eric Valette. Celui-ci était jusqu’ici plus versé dans le film fantastique, voire d’horreur. Souvenons nous de Maléfique (2003), avec mon chouchou Clovis Cornillac, ou encore de One missed call (2008), un thriller pur jus. Il prend ici le parti d’adapter le roman de Dominique Manotti, Nos fantastiques années tout en disposant d’un budget serré. L’affaire n’est pas aisée mais il se lance.
Le réalisateur relève un nouveau défi, revenir au film politique, version thriller (encore). Il reconnaît lui-même s’inspirer d’un I… comme Icare, très années 80’. Sur fond d’actu, le hasard fait parfois étonnement bien les choses, Valette nous entraîne dans une obscure affaire de ventes d’armes, de réseaux d’influences où call-girls et associations pseudo-humanitaires couvrent des échanges d’armes sur fond d’embargo. Qui a dit Angolagate ? Si, je vous ai entendus mais vous n’êtes pas les seuls à y avoir pensé, rassurez vous.

Le bras armé de cet imbroglio politico-financier, Michel Fernandez – Thierry Frémont est un chasseur de primes des temps modernes, qui loue ses services de porte-flingue patenté à Victor Bornand – André Dussolier, homme de main fidèle du Président. Sauf lorsque les circonstances le contraignent à changer d’employeur. Un tueur à gages qui se découvre une conscience à mesure que la mission dérape, si bien qu’une forme de sympathie nous amène à porter un jugement moins radical sur ses activités coupables. Il a beau dézinguer à tout va, le lascar conserve quelques principes qui d’ailleurs, ne lui sauvent pas la mise. Un personnage attachant, qui l’eut cru ?

Dussolier est économe. En paroles et en gestes. Et ce jeu d’acteur minimaliste donne toute la force du personnage par une présence discrète mais centrale, efficace sans être écrasante. La petite main de la raison d’état, celui qui agit et finit seul. Une interprétation parfaite, au millimètre comme toujours mais je ne m’en lasse pas que voulez-vous.

Au milieu de tous ces mensonges, sexe et vidéos, Nora Chayd – Rachida Brakni, jeune lieutenant pétrie de principes qui apprend sur le terrain, à la dure, très dure. La méthode à employer n’est pas celle enseignée à l’école de police. Que faire devant les consignes du service ? Se résigner, résister ? Une scène en particulier : le face à face Nora/Victor. Deux mondes qui se rencontrent, un même désir de loyauté pour des causes qui s’opposent, le passé face à l’avenir. Courte mais terriblement efficace, encore.


Lors de l’avant-première, Eric Valette a évoqué le thriller politique mais également le western. Et il a raison. Pas de poussière, de colt ou de cheval, certes mais certains plans pourraient bien être empruntés à Sergio Leone. Une ambiance, une tension, comme dans ces plans où le silence de Clint Esatwood ou John Wayne disait tout. Il a également évoqué la difficulté d’un budget restreint et d’un tournage économe lui aussi, comme le jeu d’acteurs. La scène de nuit qui se déroule à Montmartre a été tournée dans des conditions difficiles mais est néanmoins parfaitement maîtrisée. Comme quoi quand on veut faire du western à la française, pas besoin de sommes délirantes ou de partir se fourvoyer à Daisy Town. Le talent suffit. Bravo, tout simplement.
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