Mots & notes

Y’a bon San-Antonio

Ne pas avoir de TV pose le risque de se voir coupée du monde extérieur, désocialisée, inapte à converser des sujets ordinaires, à l’abandon… Point de Dr House, de Cold Case, de Martin Scorsese ou de énième diffusion de Ghost (Patriiick !). Aargh, rendez-moi ma connexion ! Mais cette situation entraîne des dégâts collatéraux surprenants.

Outre les échanges sur Facebook, la préparation de bricoles gastronomiques évidemment hypercaloriques sur le thème de Noël, le rangement méthodique d’un dressing surpeuplé ou l’engloutissement de macarons achetés rue Bonaparte, mon jeûne télévisuel m’a permis de retrouver le plaisir de lire. Plus particulièrement, j’ai déniché, abandonnés dans un carton oublié depuis le dernier déménagement, plusieurs volumes des enquêtes du commissaire San-Antonio. Le héros de Frédéric Dard a eu très tôt toute ma sympathie. Bien qu’il affiche un machisme forcené et une consommation quelque peu excessive de jeunes filles (pas souvent) de bonne famille, je me régale depuis longtemps des ses aventures.

Antoine San-Antonio apparaît en 1949 dans le volume Réglez lui son compte ! (si d’aventure quelqu’un avait la généreuse idée de m’indiquer où je peux me procurer ce Graal, qu’il n’hésite pas à se mettre en contact avec moi). Par la suite, ce sont près de 175 titres qui constitueront une collection complète. Je préfère passer sous silence les tentatives désespérées (et désespérantes) d’adaptation au cinéma, Gérard Lanvin et Gérard Depardieu n’ayant pas suffit à éviter le désastre.
Avec San-Antonio, Frédéric Dard ne se limite pas à raconter des enquêtes. Un langage propre, des villes aux noms étranges et surtout une galerie de personnages extraordinaires constituent un véritable univers. Car ce commissaire a un monde bien à lui, peuplé d’amis improbables au premier rang desquels l’inspecteur Alexandre-Benoit Bérurier, natif de Saint Locdu le Vieux et adepte d’un vocabulaire certes ordurier mais néanmoins distrayant. Il côtoie également Berthe Bérurier (l’heureuse épouse d’Alexandre-Benoit, tendrement appelée la Baleine ou Bertaga), le coiffeur Alfred (amant perpétuel de Berthe), l’inspecteur Pinaud (le Débris ou Baderne-Baderne), MarieMarie, nièce de Berthe et amoureuse perpétuelle de San-Antonio, Achille (le Tondu, chef de la Police), Toinet, son fils adoptif, sa Félicie de maman adorée, le scientifique Mathias, l’inspecteur Jérémie Blanc, ancien employé des services de propreté de Paris…

Question vocabulaire, la source est intarissable, inspirée de l’argot certes mais riche de néologismes, jeux de mots et autres expressions savoureuses et qui a donné naissance au Dictionnaire San-Antonio de Serge le Doran, paru en 1993, outil indispensable pour qui se régale de cette lecture. Tout est répertorié, les noms communs, les noms de lieux mais également quelques feuillets roses, dédiés au sujet de prédilection du sémillant commissaire, les femmes…

Bref, je n’irai pas jusqu’à remercier les hautes autorités téléphoniques pour leur incompétence notoire mais à toute chose malheur est bon. J’ai retrouvé mon Antoine.

«Si un jour votre grand-mère vous demande le nom du type le plus malin de la Terre, dites-lui sans hésiter une paire de minutes que le gars en question s’appelle San-Antonio» : première phrase du premier volume : tout un programme…
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